Serge POLIAKOFF : une abstraction à la géométrie libre

« Poliakoff ne prouve qu’une chose, c’est qu’il est l’un des plus puissants, des plus parfaits, des plus admirables peintres abstraits de notre époque (…) C’est de la peinture saine, instinctive, pure comme de l’eau de source »
Henri Kerels, « La Lanterne de Bruxelles », 1953

Artiste d’origine russe naturalisé français, né en 1900, lié à l’Ecole de Paris et aux mouvements abstraits de l’après-guerre, Sergueï Poliakoff suit déjà des cours de dessin à Moscou en 1914 et vit une adolescence dans l’aristocratie russe baignée de culture : musique, littérature et iconographie religieuse dont il cherchera à retranscrire l’émotion ressentie dans sa peinture. Il fuit la révolution en 1917 et, après quelques années à Constantinople, où il se perfectionne à la guitare (qui sera son moyen de subsistance jusqu’aux années 1950), suivies d’un tour d’Europe, il s’installe à Paris en 1923 puis séjourne à Londres en 1935 où il découvre l’abstraction.

De retour à Paris, il fréquente Kandinsky, Otto Freundlich et le couple Sonia et Robert Delaunay qui, par leur théorie du contraste simultané des couleurs, vont le guider vers sa propre voie au sein des mouvements abstraits qui se développent à cette époque. C’est en 1945 qu’une première exposition sera dédiée à ses œuvres non figuratives, suivie de nombreuses autres où il est entouré de Hartung, Domella, Herbin, Marie Raymond, Dewasne, Deyrolle, dans les galeries devenues mythiques que sont Dina Verny et Denise René.

Dès le début des années 50, le succès est au rendez-vous, de nombreux collectionneurs s’intéressent à lui et les institutions le soutiennent. Il peut alors abandonner la guitare et se consacrer enfin pleinement à la peinture, grâce notamment à un contrat avec la galerie Bing. Il restera un lien fort entre musique et peinture chez Serge Poliakoff : l’harmonie, notion à la fois musicale et picturale, concorde avec les différentes parties d’un tout.

En 1952, il découvre l’œuvre de Malévitch « Carré blanc sur fond blanc » qui produit un réel choc dans son esprit créatif. Comme tous les artistes de l’abstraction intégrale, Poliakoff explore les relations entre la ligne et la surface, le fond et la forme, la couleur et la lumière. Mais si la couleur est déjà au centre de son travail, il réalise alors l’importance de la matière, de la texture dans la recherche de la vibration, de la vie de la peinture.

Oeuvre de Kasimir Malevitch de 1918 carré blanc sur fond blanc

« La couleur ou la tonalité de la couleur n’importent pas, seule importe la qualité de la couleur »
Serge Poliakoff

L’art de la gouache

Dès lors, les expositions personnelles s’enchaînent en France mais aussi dans toute l’Europe, aux Etats-Unis et au Japon. En 1957, un premier évènement consacré exclusivement à ses gouaches est organisée à Paris par Hans Berggruen.

Poliakoff a toujours travaillé sur papier, comme la plupart des peintres, mais pour lui contrairement aux autres, la gouache ne constitue pas un exercice préparatoire à la réalisation d’une peinture mais bien une œuvre en elle-même, complète, intégrale. Hartung par exemple pratiquait la technique du carreau et ses dessins étaient destinés à être reproduits très précisément sur toile ou panneau. Serge Poliakoff ne considère par le dessin comme une étude mais bien comme un aboutissement. Il ne reproduira pas ses gouaches en grand format mais elles auront une influence certaine sur l’évolution de son style et de sa technique.

L’art de la gouache est pour l’artiste un terrain d’expérimentation qui lui permet de jouer, plus encore que dans sa peinture, des effets matièrés dans les oppositions des complémentaires par ses grands aplats colorés à la géométrie libre. Poliakoff aime travailler sur des formats plutôt petits, le papier lui convient bien, et utilise les pigments purs plutôt que la peinture en tubes qui lui permettent d’inventer ses propres tons, leur rendu et leur luminosité. La texture et le chromatisme obtenu par la superposition des couleurs dans le travail des gouaches vont lui permettre de faire évoluer sa peinture et annonce l’inflexion que va prendre celle-ci dès les années 60.

Sur le papier, son infinie recherche de l’équilibre parfait des formes qui s’interpénètrent, se répondent et s’animent par le biais des couleurs traitées en transparence ou en profondeur, peut atteindre son but.

Gouache sur papier de Serge POLIAKOFF de 1958

« Chaque forme, pour lui, implique un travail sur la couleur et chaque couleur est indissociable de cette forme. » 
Michel Ragon

Un artiste intemporel et indépendant

L’apparente unité formelle de ses oeuvres dissimule en réalité une multiplicité de solutions picturales. Les couleurs concentrées, la vibration de la matière, tout comme l’agencement savant des formes qui s’équilibrent dans une tension énergique contenue, jouent ensemble un rôle capital. C’est la peinture d’un contemplateur, d’un artiste intemporel et indépendant. Il se tient en dehors des groupes et mouvements, à la recherche de son expression personnelle. Il a réussi à imposer sa propre géométrie en ayant recourt aux formes primaires (la pierre cassée) en se basant sur la divine proportion du nombre d’or. Serge Poliakoff n’a pas cherché la nouveauté dans sa peinture, mais l’éternité, faisant de ses tableaux de véritables images divines, des icônes de l’art moderne.

 

« C’est une peinture abstraite chaude, intelligente et humaine. Et celui qui pénètre cette peinture peut-être profondément heureux. et moi elle me rendait heureuse »
Dina Vierny

 

Faut-il chercher à comprendre la peinture de Poliakoff ? Peut-être pas, juste la contempler et se laisser captiver, bercer par ses vibrations et emporter par sa vitalité.


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Maud Barral

Après une expérience de 15 ans passés aux côtés de Jean Ferrero, directeur de la galerie historique de l’École de Nice et des Nouveaux Réalistes, Maud a ensuite défendu la jeune création contemporaine durant 5 ans, au sein de sa propre galerie, avant de rejoindre l’équipe de la Galerie Hurtebize en 2015.