Découvrez notre entretien exclusif avec Michel Mousseau, artiste peintre autodidacte. À l’occasion de notre exposition “ Michel Mousseau, Les Années 60 “, l’artiste partage avec nous son parcours unique, ses influences artistiques, et sa vision singulière de la peinture. De ses premières révélations esthétiques aux nues et natures mortes emblématiques de sa production des années 60, découvrez les réflexions et les émotions qui ont façonné son œuvre. Plongez avec nous dans l’univers captivant de Michel Mousseau et explorez les thèmes et techniques qui font de son travail une célébration vibrante de la lumière et de la couleur.
Q1 Pouvez-vous nous parler de votre parcours artistique et de ce qui vous a conduit à devenir peintre ?
Je suis autodidacte, sans formation artistique formelle. Adolescent, j’ai eu la chance, lorsque j’étais au lycée, de voir, chez la mère d’un camarade, elle même peintre, d’authentiques tableaux de Soutine et de Modigliani. Ce fut une révélation.
Par ailleurs, toujours au lycée, les petits films sur la peinture de toutes les époques que nous passait, en classe de dessin, notre professeur, Monsieur Jean Couy, peintre, ont été très formateur pour moi. Il m’a fait découvrir Cézanne.
J’ai dessiné très tôt, beaucoup de petits dessins très précis, que j’ai malheureusement jetés. Par la suite, je suis allé en auditeur libre à des cours du soir de peinture et de dessin Boulevard du Montparnasse à Paris. J’étais très assidu mais n’ai jamais reçu de conseils de la part des peintres ou dessinateurs qui professaient là.
Ma première émotion esthétique a été la découverte de l’océan à Pornic. Venu de Paris à vélo, je me rappelle la violence de cet éblouissement, cet horizon si lointain de la mer.
Je dois ajouter que ce qui me paraît avoir été très formateur dans mon itinéraire de peintre ce sont les univers de mes deux grands parents. L’un était maréchal ferrant, l’autre boulanger. J’ai l’image de la forge, c’était un antre très Noir. Et il y avait cet éclat du fer Rouge sur l’enclume au milieu. Ces deux mondes, l’un de Noir et de feu, l’autre poudreux, blanc de farine rendant toute chose claires et soyeuses, sol et murs compris, ces deux mondes ont engendré une base chromatique que je n’ai cessé d’élaborer.
Q2 Quels artistes ou mouvements artistiques ont le plus influencé votre travail, en particulier dans les années 60 ?
J’ai découvert Cézanne, Rembrandt, Gainsborough. Cézanne et Matisse me sont familiers. Je découvre Les Ménines de Vélasquez au Prado à Madrid. C’est aussi l’époque où je vois de grandes expositions consacrées à Picasso, Poussin dont Les Saisons me touchent profondément. Mais ce qui m’a frappé vraiment en premier dans la peinture, oui c’est De Staël. Klee, Mondrian, Joan Mitchell sont parmi les peintres dont le travail m’intéresse tout particulièrement. Jean Hélion fait aussi partie de mes découvertes d’alors.
Q3 Qu’est-ce qui vous a inspiré pour créer les nues et les natures mortes présentées dans cette exposition ?
J’ai été frappé par l’œuvre de Richard Lindner par exemple. c’est un peintre américain. Le problème fondamental chez lui, c’est ce travail du rapport des choses et de la chair, la chair qui est un élément particulier de ce qui nous entoure. J’ai aimé peindre des nus, avec leur dessin, leur mouvement.
Je considère mon travail de peintre comme une quête, une recherche, recherche à laquelle j’associe la notion de plaisir. Recherche et plaisir sont pour moi deux mots qui définissent mon attitude devant la peinture. J’ai abandonné la Sorbonne et le merveilleux Jankélévitch pour vivre la peinture.
Q4 Pouvez-vous nous expliquer votre choix de couleurs et de textures dans vos tableaux des années 60 ?
Je reviens à l’image de la forge. Cette question de l’origine, sous plusieurs aspects y compris la référence à Courbet, est au cœur de ma recherche. Courbet et l’Origine du monde plutôt que les impressionnistes. C’est peut être de là que vient mon goût pour le Noir, parce que le Noir engendre la lumière, reçoit la lumière, alors que le Jaune la renvoie. Le Jaune c’est brillant, c’est comme l’or. Soulages n’a travaillé qu’avec du Noir, mais ses noirs sont souvent de couleurs.
Sur une longue période, je me suis intéressé à « la Fabrique du Noir », c’est le Noir en tant que lumière interne. C’est à dire que le Noir, il est soit Rouge soit bleu, chaud ou froid, il est lui même une couleur variée, alors que le Jaune citron, il est toujours Jaune citron, il est un peu bête, il ne renvoie que le Jaune citron.
J’insisterai sur le caractère continu de mon travail. S’il y a des périodes, ce sont des périodes dans la continuité, la continuité étant la lumière et donc la lumière à partir de ce que j’appelle « La vraie couleur des choses ». C’est un titre qui m’a été donné par le poète Georges Schehadé. La vraie couleur des choses, c’est ce que je cherche.
Mais enfin il ne faut pas oublier le plaisir fondamental d’étaler la couleur, de recevoir la couleur dans l’oeil, c’est mystérieux, c’est magnifique.
Q5 Comment abordez-vous le thème de l’intimité dans vos nues ?
Mon propos est la peinture. Il ne s’agit pas pour moi de reproduire, de représenter « des choses », un objet, un corps, un paysage mais de saisir ce qui accroche la lumière.
On a dit de mes Nues qu’elles paraissaient « pensives ». Pensives, oui, dans la mesure où je ne raconte pas d’histoires. Je dirais plutôt détachées, avec une certaine mise à distance contemplative. C’est complètement sensuel, dans la mesure où un corps humain n’est pas un objet mais un réceptif de la lumière.
Peindre c’est d’abord voir et faire voir. Révéler sans s’attacher à l’anecdote. La peinture dit le réel dans sa fugacité et son étrangeté. Elle donne à voir, elle est à voir. Ma peinture n’est ni descriptive ni narrative ni explicative. Je ne peins pas des objets, ou des nus mais je peins la lumière sur les objets, les corps, en rapport avec l’espace où ils sont.
Ne se pose donc pas la question de l’intimité même lorsqu’il s’agit d’un corps humain. Celui-ci est, avec ce qui l’entoure, un lieu qu’investit la peinture, laquelle se cherche pour et par elle-même.
Je vois dans mon travail une continuité, je le répète. Continuité dans la recherche de la lumière, de la matière, de ce qui résiste à un regard superficiel.
Peindre des nus n’est pas tenter de capter ou provoquer désir ou érotisme, c’est investiguer l’énigme du réel que tentent de cerner la forme, la texture, la couleur convoquées par le geste du peintre. Il revient au spectateur, s’il le souhaite, d’interpréter le motif, le sujet si c’est ce qui l’intéresse.
Q6 Comment l’époque des années 60 a-elle influencé votre art ?
Dans la période où j’ai peint les toiles que vous exposez, je ne suis pas du tout à l’affût des événements politiques ou autres. A cette époque je vis dans un milieu artistique et intellectuel où figurent Roland Topor, Olivier O. Olivier, les habitués de chez Castel. Pour le théâtre, je travaille avec Georges Wilson, Georges Vitaly et Daniel M. Maréchal, je vois Pierre Arditti, Claude Brasseur ou Sylvia Montfort, je suis en relation avec les galeristes Margueritte Motte et Robert de Bolli. Je rencontre beaucoup de poètes, dont André Salmon et Georges Schehadé. Je vis entre Paris, la Bretagne et le Var.
C’est en 1964 que commencent mes séjours annuels dans le Cotentin. J’y redécouvre l’immensité des ciels et de la mer. Ce qui donnera une nouvelle orientation à mon travail.
Q7 Quel message ou quelle émotion souhaitez vous transmettre à travers vos œuvres ?
Ouvrir les yeux. Regarder. Voir, voilà mon projet. Je suis un glouton optique. Le spectateur est libre.
Comment ne pas souhaiter que l’art reste au cœur de nos vies ?
Q8 Quelle est, selon vous, la place de l’art dans notre société actuelle ?
L’art aujourd’hui est plus orienté vers la représentation et l’illustration que vers l’approfondissement. L’art contemporain est plutôt lié au bricolage. Je dirais : Picasso c’est un bricoleur de génie.
Je pose la question, qu’est ce que « voir » ? Car si on ne voit plus, qu’est ce qui reste ? Rien. Qu’est ce que mourir, si ce n’est ne plus voir. ? La peinture c’est grave en somme, comme une Pierre de touche sur l’existence.
Peindre est un geste et une reconnaissance, une forme d’Hommage à la Création. C’est aussi un lieu de rencontre privilégiée avec soi-même et avec ceux qui ont contribué à faire du monde un lieu vivant.
Céline Fernandez
Forte d’une expérience de 15 ans dans le marketing et la communication, Céline a travaillé pour de grandes sociétés telles que le Public Système, le Groupe Galerie Lafayette et plusieurs agences de communications. Depuis plus de 4 ans, elle gère la communication de la galerie à travers le site internet, les réseaux sociaux et les médias traditionnels.