En 1822, la Maison Nicolas révolutionne le monde du vin en conditionnant les précieux nectars en bouteilles, permettant une consommation à domicile.
Dés 1930, afin de remercier ses clients les plus fidèles, Etienne Nicolas édite chaque année pour les fêtes de Noël un catalogue illustré par un artiste. Aujourd’hui, cette longue série de 35 ouvrages constitue pour les collectionneurs d’art et d’œnologie un véritable trésor. Au fil des ans, ce sont Kees Van Dongen, Jean Hugo, Bernard Buffet, André Derain, Bernard Lorjou, Raymond Guerrier ou Raoul Dufy entre autres qui ont collaboré à la réalisation de ces brochures.
Nous avons eu l’opportunité d’acquérir très récemment un ensemble exceptionnel de 7 dessins originaux de Raoul Dufy reproduits dans le catalogue de 1936 édité par les Etablissements Nicolas et Draëger, célèbre imprimeur-graveur de Montrouge, intitulé « Mon Docteur le Vin ». Les 20 aquarelles créées pour l’occasion ont d’ailleurs fait l’objet d’une exposition cette même année à la Galerie Bernheim-Jeune à Paris. Nous avons également trouvé une édition originale du livre, dédicacée par Dufy.
Dès la première page, le ton est donné : « Mon Docteur le Vin ?… Eh ! oui car ses préceptes vieux comme le monde sont justifiés chaque jour davantage par la science ». Le Maréchal Pétain, après la Première Guerre Mondiale, dans son introduction « Hommage au Vin », indique que « le vin a été, pour les combattants, le stimulant bienfaisant des forces morales comme des forces physiques – ainsi a-t-il largement concouru, à sa manière, à la Victoire ». Et les bienfaits du vin sont énoncés dans le sommaire : vitamines et radioactivité du vin ; le vin contre la fièvre typhoïde, la dépression, l’anémie, le diabète ou l’obésité ; le vin pour les reins, le maintien de la jeunesse et l’esthétique, le caractère et le moral ; indispensable aux écrivains, artistes et sportifs. Et enfin, le vin fait les beaux hommes et favorise la longévité ! La citation du Professeur P. PIERRET nous servira de conclusion : « Le vin porte avec lui la gaîté, la force, la jeunesse, la santé. C’est du soleil en bouteille ». Alors, qui mieux que Raoul Dufy pour illustrer un tel ouvrage ?
« Si je pouvais exprimer toute la joie qui est en moi » Raoul Dufy
Peintre de l’optimisme, de la fête et de la mondanité, Raoul Dufy promène un regard émerveillé sur le monde et transmet par sa peinture colorée et poétique, un sentiment joyeux de bien-être et de vie. Comme le dit si bien Pierre Camo dans « Dufy, l’Enchanteur » (ed. Marguerat, 1947) « Tout y est frais, vif, clair, joyeux comme le printemps dans la nature ou la jeunesse dans la vie ». Les titres octroyés aux expositions et divers hommages consacrés à l’artiste en témoignent : « Raoul Dufy. Le Plaisir » (Musée d’Art Moderne de Paris, 2008) ; « Raoul Dufy. A Spectacle of Society » (Connaught Brown Gallery, Londres, 2016) ; « Les Couleurs du bonheur » (Musée Jean cocteau, Menton, 2017) ; « La Légèreté de Raoul Dufy » (Musée Angladon, Avignon, 2017).
Son style correspond exactement à l’esprit de « Mon Docteur le Vin », ouvrage liant humour, finesse et précision.
A l’âge de 13 ans déjà, le jeune Raoul impose à sa famille de musiciens son choix de devenir peintre et quitte sa Normandie natale pour se former à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris. Influencé dans un premier temps par les Impressionnistes puis par l’éclat de la couleur chez les Fauves, il admire plus que tout autre Cézanne et c’est d’ailleurs sur les terres provençales chères à celui-ci qu’il trouvera son propre langage et développera son principe de la « lumière-couleur ».
« En 1919 Dufy devient subitement Dufy. La main se libère, son trait gagne en souplesse et en vigueur. Surtout il s’adonne avec fougue à l’aquarelle qui lui permet de rendre la beauté des paysages de Provence, leurs transparences et leurs lumières. (…) Sa peinture acquiert un dynamisme nouveau. Les formes gagnent en légèreté et en équilibre. Son dessin est plus rapide, plus exalté. Il ressent un désir de créer qui reflète toute sa joie d’artiste conscient d’être parvenu à maturité et tout le bonheur d’un monde désormais libéré ».
Fanny Guillon Laffaille
« En 1919 Dufy devient subitement Dufy. La main se libère, son trait gagne en souplesse et en vigueur. Surtout il s’adonne avec fougue à l’aquarelle qui lui permet de rendre la beauté des paysages de Provence, leurs transparences et leurs lumières. (…) Sa peinture acquiert un dynamisme nouveau. Les formes gagnent en légèreté et en équilibre. Son dessin est plus rapide, plus exalté. Il ressent un désir de créer qui reflète toute sa joie d’artiste conscient d’être parvenu à maturité et tout le bonheur d’un monde désormais libéré ».
Fanny Guillon Laffaille
Les caractéristiques essentielles du style de Raoul Dufy sont nées et ne le quitteront plus : dissociation du trait et de la couleur ; figures esquissées mais dynamiques et bien vivantes ; courbes potelées et voluptueuses ; lignes simples, souples et expressives ; flamboyance de la couleur qui devient lumière. En 1936, année de la publication de « Mon Docteur le Vin », Dufy est déjà mondialement connu et se voit consacrer des expositions personnelles à New-York, Bruxelles, Prague…
Doté d’un exceptionnel don de dessinateur et de coloriste, c’est par le dessin et plus précisément par l’aquarelle qu’il révèle son véritable talent et libère son geste vif et gracieux. Dès les années 30, Dufy donne de plus en plus de place à son œuvre graphique et travaille les possibles offerts par l’usage de ses « flaques de couleurs » qui précèdent sa ligne.
"Tout dessin de Raoul Dufy est en quelque sorte sa signature
et ce qu'on est convenu d'appeler signature inimitable"Jean Cocteau
"Tout dessin de Raoul Dufy est en quelque sorte sa signature
et ce qu'on est convenu d'appeler signature inimitable"Jean Cocteau
Raoul Dufy ne cherche pas à figurer la matérialité mais offre une interprétation très libre et subjective de son sujet où réalité et imaginaire s’entrecroisent. Si l’on retrouve des thèmes et motifs récurrents dans son œuvre (orchestres, paysages, portraits, courses hippiques…), l’artiste est éclectique et s’exprime par divers media, multipliant les expériences : dessin, peinture, sculpture mais aussi arts décoratifs, illustration, tapisserie, décors et costumes. Sa sureté calligraphique, la simplicité et l’épuration de son sujet, son sens extraordinaire de la composition, la souplesse de ses lignes et l’éclat des couleurs dissociées du trait resteront reconnaissables entre tous, quel que soit le support choisi.
Travailleur acharné, il ne produira pas moins de 4.000 dessins et 2.000 toiles, entre autres céramiques, tissus, tapisseries… carrière féconde s’il en est et le succès et la reconnaissance internationale sont au rendez-vous ! Un an avant sa mort, en 1952, la XXVIe Biennale de Venise lui octroie le Grand Prix de la Peinture pour couronner l’ensemble de son œuvre.
Découvrez un extrait du livre “Mon Docteur le Vin”.
Maud Barral
Après une expérience de 15 ans passés aux côtés de Jean Ferrero, directeur de la galerie historique de l’École de Nice et des Nouveaux Réalistes, Maud a ensuite défendu la jeune création contemporaine durant 5 ans, au sein de sa propre galerie, avant de rejoindre l’équipe de la Galerie Hurtebize en 2015.