Une Terre de Roberto MATTA à la Galerie Hurtebize
Cette acquisition d’une toile de Roberto Matta est pour nous exceptionnelle à plusieurs titres.
Notre galerie est spécialisée dans l’Art Moderne et achète principalement les œuvres abstraites des années 50 à aujourd’hui (Georges Mathieu, Hans Hartung, Sam Francis…). Nous présentons et soutenons nos coups de cœur contemporains (Jean-Jacques Marie, Michel Mousseau, Catherine Thiry…) et parfois aussi quelques petits trésors post-impressionnistes (Renoir, Vlaminck, Utrillo…). Pour nous, toucher au plus près au Surréalisme avec une telle œuvre de Roberto Matta est une rareté à souligner.
La toile de Matta de 1959 que nous avons eu l’opportunité d’acquérir fait partie d’une série très limitée de peintures travaillées sur toile de jute (tissus récupérés qui, dans leur première vie, recouvraient les barques des pêcheurs) où la terre, et tout ce qui la compose et l’habite, est directement fixée à l’aide de colle ou résine. L’utilisation de ce matériau n’est pas anodine et a plusieurs sens pour Matta. Très engagé politiquement et convaincu, depuis sa rencontre avec Garcia Lorca dans les années 1930, que « la conscience politique est l’essence de l’activité créatrice »[1] , il considère que la terre, élément universel, est à tout le monde, depuis toujours et partout. Pour lui, après son séjour aux Etats-Unis et son dégout de l’American Way of Life, c’est un moyen de dénoncer le consumérisme et le capitalisme. Mais c’est aussi une matière organique brute, complexe et fragile, comme l’humain, qui vit, se craquèle, s’effrite ou se fige sans que l’on puisse la contrôler. La matière terre est un monde à elle seule, notre monde, dans toute sa complexité, sa beauté mais aussi avec ses contraintes et ses drames.
« Dans ces tableaux faits de matière, il y a toutes les saveurs de la terre, le sable et l’eau et le volcan et les poussières d’étoiles, des clous, des cordes et des insectes »[2] Ramuntcho Matta
La peinture de Matta, toujours dénonciatrice des machinations des pouvoirs et des tyrannies, où il représente les tensions de l’homme en société, va d’ailleurs devenir une référence et une source d’inspiration pour les artistes de la « figuration narrative » (Fromanger, Seguí, Malaval, Arroyo, Erró, etc.) après avoir impressionné Marcel Duchamp et marqué les jeunes américains, tels Robert Motherwell ou Jackson Pollock, auxquels il conseille :
« Plutôt que peindre ce que vous voyez, sortez la toile du chevalet et mettez-la à terre. Là, vous pourrez peindre ce que vous ressentez car vous ne serez plus spectateur mais bien au centre des énergies »[3]
Comme sur ses œuvres à l’huile, Roberto Matta part d’une tâche, d’une éclaboussure pour former sa composition et développer sa réflexion. Ici, un unique personnage central, peint d’un épais trait noir, forme simple mais énigmatique, primitive, mi-abstraite mi-figurative, particulièrement vivante et mouvementée. La force de ce seul tracé et la texture épaisse et irrégulière de la matière nous placent face à une œuvre narrative qui éveille notre cerveau et nous amène à de nombreux questionnements. Non, l’œuvre de Matta ne peut être simplement contemplée mais induit des interrogations sur nous-mêmes, sur l’homme en général et son rapport aux mondes, réel et spirituel.
« L’ART c’est dire clairement des sentiments humains qu’on découvre dans le monde, qu’on invente pour élargir l’humain – sincèrement -. L’artiste est un inventeur d’humain, détecte l’humain là où on n’aurait jamais songé qu’il y avait quelque chose qu’il pouvait réunir, relier, faire circuler dans la vie d’homme à homme »[4]
« Je ne suis pas un peintre, je suis un montreur »
Peintre, sculpteur, théoricien, philosophe, né en 1911 au Chili, Matta a une vingtaine d’années quand il s’installe à Paris, où il travaille avec Le Corbusier puis sera introduit dans le cercle des Surréalistes par André Breton. Il partira rejoindre les principaux membres du groupe à New-York pendant la guerre avant son retour en Europe où il vivra entre la France et l’Italie tout en voyageant régulièrement autour du monde.
Son œuvre suit le principe des surréalistes en se référant à un modèle purement intérieur et en partant de l’accident de la tâche, procédé comparable à celui de l’écriture automatique. Il peint ses « Morphologies Psychologiques », puis des paysages « chaocosmiques » dans les années 40 où il nous conduit dans un univers imaginaire, coloré mais en tension, un cosmos construit voir architecturé d’où l’humain est absent. Ses figures mi-hommes mi-monstres, à la fois personnages de science-fiction et images primitives, viendront habiter ses œuvres dès son retour de New-York en 1948 et ne les quitteront plus.
Selon André Breton « Son monde, hors des réalités vécues, nous promène parmi des immensités irrationnelles qui nous semblent pourtant familières par leur rappel d’états de rêves ».
En 1954, il va travailler la céramique en Italie et commencera à utiliser la terre en peinture puis réalisera une seconde série de « tableaux en terre » à Cuba dans les années 60 et une autre en 1971, toujours liées à cette figure qu’il nommera « Morphologie Historique ».
Il sera soutenu par d’importantes galeries et institutions internationales dès la fin des années 50 (rétrospectives à New-York en 1957 et à Stockholm en 1959) et son œuvre est aujourd’hui présente dans tous les plus grands musées d’Art Moderne.
A Berlin, le Statliche Museen a dans ses collections « Mal de Terre » peinte en 1962. Le Centre Pompidou possède 12 peintures, parmi de nombreux dessins et estampes, dont deux, datées de 1961 et 1963, sont aussi à rapprocher de la nôtre. On y reconnait l’anthropomorphisme de son personnage dans sa forme la plus primitive, traité au moyen de terre ou sable pris directement au sol et fixés sur toile de jute.
Si des cycles ou séries sont repérables dans l’œuvre de Roberto Matta, une permanence formelle et spatiale est indéniable et, d’un tableau à l’autre, qu’il travaille un mythe ou dénonce une situation politique, ses formes se retrouvent dans un nouveau contexte pour servir une nouvelle pensée.
Maud Barral
Après une expérience de 15 ans passés aux côtés de Jean Ferrero, directeur de la galerie historique de l’École de Nice et des Nouveaux Réalistes, Maud a ensuite défendu la jeune création contemporaine durant 5 ans, au sein de sa propre galerie, avant de rejoindre l’équipe de la Galerie Hurtebize en 2015.
Serge POLIAKOFF : une abstraction à la géométrie libre
« Poliakoff ne prouve qu’une chose, c’est qu’il est l’un des plus puissants, des plus parfaits, des plus admirables peintres abstraits de notre époque (…) C’est de la peinture saine, instinctive, pure comme de l’eau de source »
Henri Kerels, « La Lanterne de Bruxelles », 1953
Artiste d’origine russe naturalisé français, né en 1900, lié à l’Ecole de Paris et aux mouvements abstraits de l’après-guerre, Sergueï Poliakoff suit déjà des cours de dessin à Moscou en 1914 et vit une adolescence dans l’aristocratie russe baignée de culture : musique, littérature et iconographie religieuse dont il cherchera à retranscrire l’émotion ressentie dans sa peinture. Il fuit la révolution en 1917 et, après quelques années à Constantinople, où il se perfectionne à la guitare (qui sera son moyen de subsistance jusqu’aux années 1950), suivies d’un tour d’Europe, il s’installe à Paris en 1923 puis séjourne à Londres en 1935 où il découvre l’abstraction.
De retour à Paris, il fréquente Kandinsky, Otto Freundlich et le couple Sonia et Robert Delaunay qui, par leur théorie du contraste simultané des couleurs, vont le guider vers sa propre voie au sein des mouvements abstraits qui se développent à cette époque. C’est en 1945 qu’une première exposition sera dédiée à ses œuvres non figuratives, suivie de nombreuses autres où il est entouré de Hartung, Domella, Herbin, Marie Raymond, Dewasne, Deyrolle, dans les galeries devenues mythiques que sont Dina Verny et Denise René.
Dès le début des années 50, le succès est au rendez-vous, de nombreux collectionneurs s’intéressent à lui et les institutions le soutiennent. Il peut alors abandonner la guitare et se consacrer enfin pleinement à la peinture, grâce notamment à un contrat avec la galerie Bing. Il restera un lien fort entre musique et peinture chez Serge Poliakoff : l’harmonie, notion à la fois musicale et picturale, concorde avec les différentes parties d’un tout.
En 1952, il découvre l’œuvre de Malévitch « Carré blanc sur fond blanc » qui produit un réel choc dans son esprit créatif. Comme tous les artistes de l’abstraction intégrale, Poliakoff explore les relations entre la ligne et la surface, le fond et la forme, la couleur et la lumière. Mais si la couleur est déjà au centre de son travail, il réalise alors l’importance de la matière, de la texture dans la recherche de la vibration, de la vie de la peinture.
« La couleur ou la tonalité de la couleur n’importent pas, seule importe la qualité de la couleur »
Serge Poliakoff
L’art de la gouache
Dès lors, les expositions personnelles s’enchaînent en France mais aussi dans toute l’Europe, aux Etats-Unis et au Japon. En 1957, un premier évènement consacré exclusivement à ses gouaches est organisée à Paris par Hans Berggruen.
Poliakoff a toujours travaillé sur papier, comme la plupart des peintres, mais pour lui contrairement aux autres, la gouache ne constitue pas un exercice préparatoire à la réalisation d’une peinture mais bien une œuvre en elle-même, complète, intégrale. Hartung par exemple pratiquait la technique du carreau et ses dessins étaient destinés à être reproduits très précisément sur toile ou panneau. Serge Poliakoff ne considère par le dessin comme une étude mais bien comme un aboutissement. Il ne reproduira pas ses gouaches en grand format mais elles auront une influence certaine sur l’évolution de son style et de sa technique.
L’art de la gouache est pour l’artiste un terrain d’expérimentation qui lui permet de jouer, plus encore que dans sa peinture, des effets matièrés dans les oppositions des complémentaires par ses grands aplats colorés à la géométrie libre. Poliakoff aime travailler sur des formats plutôt petits, le papier lui convient bien, et utilise les pigments purs plutôt que la peinture en tubes qui lui permettent d’inventer ses propres tons, leur rendu et leur luminosité. La texture et le chromatisme obtenu par la superposition des couleurs dans le travail des gouaches vont lui permettre de faire évoluer sa peinture et annonce l’inflexion que va prendre celle-ci dès les années 60.
Sur le papier, son infinie recherche de l’équilibre parfait des formes qui s’interpénètrent, se répondent et s’animent par le biais des couleurs traitées en transparence ou en profondeur, peut atteindre son but.
« Chaque forme, pour lui, implique un travail sur la couleur et chaque couleur est indissociable de cette forme. »
Michel Ragon
Un artiste intemporel et indépendant
L’apparente unité formelle de ses oeuvres dissimule en réalité une multiplicité de solutions picturales. Les couleurs concentrées, la vibration de la matière, tout comme l’agencement savant des formes qui s’équilibrent dans une tension énergique contenue, jouent ensemble un rôle capital. C’est la peinture d’un contemplateur, d’un artiste intemporel et indépendant. Il se tient en dehors des groupes et mouvements, à la recherche de son expression personnelle. Il a réussi à imposer sa propre géométrie en ayant recourt aux formes primaires (la pierre cassée) en se basant sur la divine proportion du nombre d’or. Serge Poliakoff n’a pas cherché la nouveauté dans sa peinture, mais l’éternité, faisant de ses tableaux de véritables images divines, des icônes de l’art moderne.
« C’est une peinture abstraite chaude, intelligente et humaine. Et celui qui pénètre cette peinture peut-être profondément heureux. et moi elle me rendait heureuse »
Dina Vierny
Faut-il chercher à comprendre la peinture de Poliakoff ? Peut-être pas, juste la contempler et se laisser captiver, bercer par ses vibrations et emporter par sa vitalité.
Maud Barral
Après une expérience de 15 ans passés aux côtés de Jean Ferrero, directeur de la galerie historique de l’École de Nice et des Nouveaux Réalistes, Maud a ensuite défendu la jeune création contemporaine durant 5 ans, au sein de sa propre galerie, avant de rejoindre l’équipe de la Galerie Hurtebize en 2015.
Jean MIOTTE, peintre du mouvement
Né en 1926 à Paris, Jean Miotte ne se destinait pas à une carrière de peintre. C’est pendant la guerre qu’il est amené à prendre les pinceaux afin d’orner les murs d’une caserne à la demande de ses supérieurs. Puis, immobilisé par une longue hospitalisation, il commence réellement à peindre en 1945. Alors figuratif, même si déjà le trait tend à la rapidité plus qu’à la recherche de la représentation parfaite, il visite autant d’expositions qu’il le peut et fréquente les ateliers et artistes de l’avant-garde réunis à Paris venant de divers horizons : de Zadkine à Severini en passant par Sam Francis, il se dirige vers l’abstraction dès la fin des années 40 pour trouver réellement sa voie en 1950.
Ce qui l’intéresse, c’est le mouvement. Très influencé par les univers de la danse et du jazz, il trouvera son propre style par une chorégraphie, une construction de formes qu’il obtiendra d’un geste à la fois spontané et savant, quasi instinctif mais hautement médité, très proche de l’art japonais issu du zen et par la vibration qu’il trouvera dans l’utilisation des couleurs confrontées au noir. Il concentre sur l’espace de la toile des formes chromatiques mouvementées, fulgurantes et maîtrisées et cherche à créer un univers, un cosmos intime de ses propres sensations. Chez Miotte, comme le souligne Marcelin Pleynet, le vécu l’emporte sur le savoir[1].
« … à 30 ans il est déjà en pleine disposition de moyens qui ne sont qu’à lui, et la fin des années cinquante et le début des années soixante vont voir naître un prodigieux ensemble de peintures »[2]
L’œuvre que nous vous présentons ici, datée 1955-1960, est tout à fait emblématique des recherches picturales de l’artiste à cette période charnière de sa carrière.
Traitée à l’huile (qu’il abandonnera pour l’acrylique dans les années 1970), travaillée dans la texture de la peinture comme il a pu le faire avec le goudron quelques années plus tôt, cette toile illustre parfaitement la prédilection de l’artiste pour les couleurs et pour le geste.
Si le noir domine ici encore comme dans les œuvres antérieures, le blanc et sa lumière trouvent une place prépondérante. Ajouté par petites touches épaisses par-dessus le noir, le blanc crée des ouvertures et se confond en certains endroits au fond de la toile resté brut.
La palette chromatique est très étendue avec une présence forte des couleurs primaires mais également des complémentaires aux tons chauds qui apparaissent dans le fond et se mêlent au noir. Miotte passe de l’utilisation du pinceau-brosse en aplats quasi-géométriques (rouges, bruns et gris) à une trace fine et ronde tout en arabesque du jaune, appliquée d’un geste lyrique qui donne vie et vibrations à l’œuvre. Il s’inspire des recherches de Léger, Delaunay et plus encore Matisse dans sa volonté de « libérer la couleur ». Il est aisé ici de sentir l’envolée de la main de l’artiste qui créé une abstraction chaude, exubérante et généreuse.
Le traitement de l’espace est également particulier à l’œuvre de Jean Miotte : les couleurs semblent aller au-delà de la toile, sans limite, donnant ainsi une impression d’ouverture et de continuité alors même que le support est d’un format moyen. D’ailleurs, d’année en année, l’artiste travaillera sur des toiles de plus en plus grandes afin d’élargir encore l’étendue de son geste devenu écriture. Comme l’exprimera Emile Bernard suite à ses nombreuses conversations avec Vincent van Gogh : « Nous avions formé ce projet de dessiner comme on écrit et avec la même facilité que le feraient un Hokusaï ou un Outamaro ». Le mouvement, le signe, le geste doivent se faire et se maitriser dans le but d’atteindre à l’automaticité de la peinture, comme celle de l’écriture si chère aux Surréalistes. C’est également la conviction de Jean Miotte : la peinture est un geste que l’on porte en soi par lequel l’artiste donne corps à ses sensations, ses émotions.
Maud Barral
Après une expérience de 15 ans passés aux côtés de Jean Ferrero, directeur de la galerie historique de l’École de Nice et des Nouveaux Réalistes, Maud a ensuite défendu la jeune création contemporaine durant 5 ans, au sein de sa propre galerie, avant de rejoindre l’équipe de la Galerie Hurtebize en 2015.
André MARFAING, Déc-63-27, 1963
« Les autres disent que je peins en noir et blanc, ne voient-ils pas autre chose ? »
Si André Marfaing se limite quasiment exclusivement, dès la fin des années 50, à l’utilisation du noir et du blanc dans sa peinture, cette œuvre typique des années 60, période définie par l’artiste comme « abstraite et matière », nous prouve que bien d’autres choses sont à voir, des découvertes sont à faire et des émotions à ressentir à travers la peinture de cet artiste au caractère indépendant et totalement habité par son art.
Encore faut-il se plonger dans l’œuvre, laisser le silence s’installer et le temps s’étirer, tâcher d’atteindre un état quasi méditatif pour être touché par la pureté et l’énergie de cet artiste ascète, sauvage presque, à l’esprit tourmenté et au parcours solitaire et semé de doutes. Les œuvres de cette époque sont marquées par la spontanéité du mouvement, le foisonnement de signes rapides, impulsifs, puissants qui peuvent s’apparenter à une écriture, une calligraphie et s’inclure dans le mouvement de l’abstraction lyrique. Progressivement, dès le début des années 70, les œuvres deviendront plus méditatives, minimales, ascétiques et architecturées ; le geste est contenu, dompté et l’huile est abandonnée au profit de l’acrylique travaillée en aplats.
Cette huile sur toile de 1963 est travaillée dans l’épaisseur de la peinture et l’on sent au premier regard l’énergie et la spontanéité d’un geste fort et juste. L’artiste utilise différents pinceaux, plus ou moins épais, ses doigts directement aussi dans la matière pour construire ce duel lumière/ténèbres et exprimer ainsi sa réalité intérieure par une peinture sensorielle et poétique.
Alors, ne voit-on que du noir et du blanc dans l’œuvre d’André Marfaing ? Non bien sûr si nous laissons notre propre imagination faire son chemin. Les termes de cascade, paysagisme abstrait, gorges, failles, blocs… sont souvent employés par les spécialistes pour décrire les œuvres de cette période.
« J’ai été heureux de voir comment une promenade faite sur une falaise pouvait être traduite sans qu’il fût question de la falaise… »
Ici, certains pourront se sentir immergés dans un univers aquatique nocturne tumultueux, une plongée en eau trouble. D’autres s’élèveront vers des cieux orageux où l’éclair devient noir et le centre du typhon lumière. Quelques-uns encore pourront se promener sur des chemins sinueux, tortueux, emmêlés ou se laisser happer par l’harmonie des espaces blancs et gris.
« Le noir et le blanc me semblent avoir le caractère de simplicité, d’absolu et de rigueur qui me convient »
Si, d’après Edmond Jadès « la lumière est derrière. (…). Marfaing peint sur la lumière », ici, la lumière est partout ! Le fond du tableau est traité en blanc et gris et le blanc revient au centre, sur le noir, dans un jeu de transparence si cher à l’artiste. Le noir est la sève, la chair, l’héritage de la peinture. Il est capteur de lumière et porte en lui toutes les couleurs du prisme. Le gris adoucit le passage du noir au blanc sans amoindrir la puissance de la peinture et le blanc ouvre des éclats, des lueurs, des fenêtres.
Chaque œuvre de Marfaing est un monde, un acte d’absolue liberté qui nous fascine et nous emporte dans un voyage personnel vers la sérénité.
Maud Barral
Après une expérience de 15 ans passés aux côtés de Jean Ferrero, directeur de la galerie historique de l’École de Nice et des Nouveaux Réalistes, Maud a ensuite défendu la jeune création contemporaine durant 5 ans, au sein de sa propre galerie, avant de rejoindre l’équipe de la Galerie Hurtebize en 2015.
L’œuvre sérielle de Georges Mathieu
Les années 1970
« … dans les années 1970, le peintre s’est fait graphiste, architecte et designer, et même académicien, sans rien perdre de sa verve » Domino – Les Journal des Arts – 19 juin 2021
En 1976, Georges MATHIEU, artiste hyperactif et prolifique, devient académicien, peint 85 tableaux, écrit de nombreux articles pour Le Monde, The Times, Die Welt, La Stampa…, participe à plusieurs émissions radiophoniques et télévisuelles, et a en parallèle une activité très intense dans le domaine des Art Appliqués : bouteille de champagne, médailles, bons du trésor, porcelaines… Cette période extrêmement féconde l’ouvre à de nouvelles expériences artistiques mues par le désir de rendre l’art accessible au plus grand nombre.
L’artiste a souvent travaillé par séries : les Batailles, les Mégapoles, les Hommages… La toile dont nous parlons ici fait partie d’une suite de 20 tableaux peints pour son exposition personnelle à la Galerie Dominion de Montréal, plus grande et prestigieuse galerie du Canada. Nous n’avons retrouvé ni article, ni catalogue ou film de cet événement mais toutes les œuvres sont reproduites dans le livre référence « Mathieu, 50 ans de création » (éd. Hervas, Paris 2003, pp.272-273). A la lecture des titres attribués à chaque œuvre, la série devient claire : toutes portent des noms de villes ou d’îles grecques et crétoises.
Le style est typique des années 70 : un graphisme raide, très architecturé et rigoureux, sur un fond travaillé tout en nuances de manière à ce qu’il ne s’efface pas derrière le trait mais qu’il prenne pleine place dans la composition globale.
La couleur est toujours prépondérante, dans le contraste et l’éclat, et joue son rôle de premier plan dans un réseau de « supersignes » enchevêtrés dans l’épaisseur de la matière, mais elle permet également de ranimer le fond par un traitement à la fois vaporeux et soutenu. La figure est fortement concentrée sur la douceur évanescente du fond rose au cœur clair qui s’assombrit vers le brun en approchant des bords de la toile.
Stylisation abstraco-figurative
En 1967, Georges Mathieu réalise une série d’une vingtaine d’affiches pour Air France, chacune devant figurer un pays. Bien sûr, en faisant appel à un artiste abstrait, le plus lyrique de surcroit, la compagnie aérienne savait ne pas devoir s’attendre à une représentation figurative des états. Pourtant, Georges Mathieu a su trouver pour chacun un graphisme particulier, des couleurs dédiées, une gestuelle appropriée qui nous permettent de « reconnaître » le pays concerné par une simple évocation fine de l’artiste. Edouard Lombard parle ici de « stylisation abstraco-figurative ».
Observons :
En 1976, Georges MATHIEU, artiste hyperactif et prolifique, devient académicien, peint 85 tableaux, écrit de nombreux articles pour Le Monde, The Times, Die Welt, La Stampa…, participe à plusieurs émissions radiophoniques et télévisuelles, et a en parallèle une activité très intense dans le domaine des Art Appliqués : bouteille de champagne, médailles, bons du trésor, porcelaines… Cette période extrêmement féconde l’ouvre à de nouvelles expériences artistiques mues par le désir de rendre l’art accessible au plus grand nombre.
L’artiste a souvent travaillé par séries : les Batailles, les Mégapoles, les Hommages… La toile dont nous parlons ici fait partie d’une suite de 20 tableaux peints pour son exposition personnelle à la Galerie Dominion de Montréal, plus grande et prestigieuse galerie du Canada. Nous n’avons retrouvé ni article, ni catalogue ou film de cet événement mais toutes les œuvres sont reproduites dans le livre référence « Mathieu, 50 ans de création » (éd. Hervas, Paris 2003, pp.272-273). A la lecture des titres attribués à chaque œuvre, la série devient claire : toutes portent des noms de villes ou d’îles grecques et crétoises.
Stylisation abstraco-figurative
En 1967, Georges Mathieu réalise une série d’une vingtaine d’affiches pour Air France, chacune devant figurer un pays. Bien sûr, en faisant appel à un artiste abstrait, le plus lyrique de surcroit, la compagnie aérienne savait ne pas devoir s’attendre à une représentation figurative des états. Pourtant, Georges Mathieu a su trouver pour chacun un graphisme particulier, des couleurs dédiées, une gestuelle appropriée qui nous permettent de « reconnaître » le pays concerné par une simple évocation fine de l’artiste. Edouard Lombard parle ici de « stylisation abstraco-figurative ».
Observons :
Voici les mots de l’artiste qui nous dévoile ses inspirations pour chacune des affiches ci-dessus reproduites :
« USA : Le dynamisme infernal. Le métal, le fer, l’acier. Des orientations implacables. Des conduites parallèles, des forces parallèles, des motivations parallèles, l’efficacité efficace. Un élan irrépressible. L’avenir gigantesque. »
« Grande-Bretagne : Le folklore dans toute son évidence, les chamarrures, les broderies, les armoiries, la pompe. Un art d’exprimer sa singularité sous le couvert du conformisme. Le rouge des uniformes, des autobus. Les barrières, les séparations, les clans. La rigueur, le respect, le noir ».
« Grèce : un idéal limité à l’anthropomorhisme. L’esprit réduit à deux dimensions : la raison et les sens. Le Cosmos ramené à la mesure de l’homme. Telle m’apparaît la Grèce dont le ciel n’est guère plus haut que les colonnes. En revanche il est bleu. »
Et s’il avait suivi ce même principe de travail pour cette série de toiles sur les sites grecs et crétois ? Nous nous donnons la liberté de le croire ! Ne disposant d’aucun support ou information, outre les photographies des œuvres de cette exposition à Montréal, nous avons décidé de partir (virtuellement, surtout en période de pandémie…) en Grèce et en Crète afin d’observer les lieux retenus par l’artiste : Mytilène, Olympie, Kyllini, Lato, Knossos, Ghythion…
Observons pour exemple 3 toiles de cette série:
Comparons avec ce que l’on peut trouver concernant ces villes :
Alors oui, personnellement, je vois dans « Knossos » le plan du Palais que l’on visite aujourd’hui en se perdant dans le dédale des vestiges. Dans « Lato », l’artiste représente une grande arabesque qui pourrait tout à fait figurer le théâtre antique que l’on observe sur la partie gauche de la photo ci-dessus.
Et concernant Mytilène, suis-je seule à reconnaître nettement le dôme blanc de l’église grecque orthodoxe d’Agios Therapontas surmontée de sa croix dans l’œuvre de Mathieu ?
Elle est bien là, tapie derrière les énergiques lignes rouges, noires et pourpres, blanche, immaculée, à la fois discrète et imposante. Sa présence irradie malgré la légèreté et la clarté du trait, vaporeux, contrasté par l’épaisseur et la raideur de la composition énergique du premier plan. Bien sûr, nous ne sommes pas dans une représentation figurative de Mytilène, loin s’en faut ! Le sujet est traité à la manière de Mathieu, dont le signe précède toujours la signification, qui se fie à son intuition et en appel à la spiritualité, à la spontanéité du geste alternativement sinueux et strict, aux formes libres et élégantes qu’il maîtrise parfaitement afin de créer son anagogie du paysage étudié.
Si Georges Mathieu diversifie ses activités créatrices dans les années 70, la peinture reste le cœur de son travail. Vitesse, improvisation, concentration, rapport figure/fond restent les maîtres-mots de son œuvre, quel que soit le support choisi. Cette décennie sera l’apothéose de ses recherches vers un but unique : l’accès de tous à une sensibilité esthétique.
« Tenter de faire passer l’affectivité, la beauté, l’imagination et la poésie avec la raison dans l’intelligence pour promouvoir celle-ci à sa plénitude » G.MATHIEU, « Désormais seul face à Dieu », éd.L’Age d’Homme, Lausanne 1998, p.86
Maud Barral
Après une expérience de 15 ans passés aux côtés de Jean Ferrero, directeur de la galerie historique de l’École de Nice et des Nouveaux Réalistes, Maud a ensuite défendu la jeune création contemporaine durant 5 ans, au sein de sa propre galerie, avant de rejoindre l’équipe de la Galerie Hurtebize en 2015.
BRAFA in the Galleries, ça se passe à Cannes, à la Galerie Hurtebize, du 27 au 31 janvier 2021 !
Pour son édition 2021, la BRAFA, s’invite au cœur des galeries, en raison de l’impossibilité physique de réunion liée à l’épidémie de Covid-19.
Cette année, les visiteurs émerveillés ne fouleront pas le sol bruxellois de l’imposant bâtiment de brique Tour&Taxis qui accueille normalement tous les ans l’événement, ouvrant le bal de la saison des foires internationales dès le mois janvier (1).
Ce salon à la réputation montante figure aujourd’hui parmi les 5 foires les plus prestigieuses du monde, où se pressent les galeries de toutes origines et de toutes spécialités, de l’art contemporain aux antiquités, en passant par les meubles anciens et les tableaux modernes.
Au total, ce sont près de 125 marchands d’art triés sur le volet qui exposent des œuvres d’une qualité muséale – contrôlées en amont par l’organisation et de nombreux experts – et qui ont fait de cette manifestation un rendez-vous incontournable pour les amateurs avisés.
Ces derniers sont en général autour de 65.000 à pousser les portes de la foire, un chiffre qui ne cesse d’augmenter. Il fallait un événement de l’ampleur de la pandémie actuelle pour freiner cette progression exponentielle depuis 1956, date de création de la BRAFA.
Une édition virtuelle originale
Cette 66ème édition sera donc virtuelle, et comme l’indique la direction, elle forme « une alternative originale proposée en lieu et place de l’édition de la BRAFA à Tour&Taxis, reportée à janvier 2022 ».(2)
Les exposants sélectionnés pour la session 2021 pourront donc mettre en avant sur le site de la BRAFA un choix d’œuvres rares, et l’organisation se propose même de publier des vidéos mettant en scène les équipes au sein de leur propre galerie, dans une présentation de la sélection initialement réunie pour être exposée sur les stands de la foire bruxelloise.
Le comité explique : « pour ceux et celles qui ne pourraient se rendre en galeries, nous vous invitons à visiter sur notre website la page dédicacée à chaque exposant, afin d’y retrouver les photos et descriptifs des plus beaux objets présentés, toutes les informations utiles ainsi que parfois, une vidéo personnalisée spécialement créé pour l’occasion. De nouveaux objets seront mis en ligne le mercredi 27 janvier 2021! »(3)
La Galerie Hurtebize et BRAFA in the Galleries
Comme chaque année, la Galerie Hurtebize participe à ce rendez-vous artistique de prestige. Elle vous propose pour cette édition virtuelle une sélection d’œuvres réalisées par des peintres emblématiques de la période dont elle est spécialiste, l’abstraction d’après-guerre, à retrouver en ligne ici.
Comme le précise le comité, de nouvelles œuvres seront mises en ligne dès le début officiel de la foire, le 27 janvier… restez connectés !
Dominique Hurtebize et son équipe ont réuni des travaux d’artistes tels que Hans Hartung, Georges Mathieu, André Marfaing, Chu Teh Chun, Sam Francis ainsi que d’autres maîtres de l’abstraction lyrique, mais également des œuvres de Bernard Buffet et autres peintres figuratifs de la période.
Vous retrouverez aussi, parmi une sélection d’œuvres majeures, une étonnante encre de Joan Miró.
Pour en avoir un aperçu, retrouvez la vidéo de la Galerie Hurtebize ici.
La Galerie Hurtebize vous propose un accrochage qui réunit toutes ces œuvres d’une rare qualité, initialement choisies pour être exposées à l’occasion de la BRAFA.
Vous êtes les bienvenus dans ce « stand » recréé de toutes pièces au sein de notre espace d’exposition pour l’édition « BRAFA in the Galleries 2021», à Cannes, du 27 au 31 janvier inclus.
Nous vous attendons nombreux à Cannes et vous invitons à découvrir notre page dédiée sur le site de la BRAFA pour participer depuis chez vous à cette foire d’envergure internationale !
(1) Pour plus d’informations sur le salon, voir l’article https://galerie-hurtebize.com/brafa-art-fair-2020/
(2) et (3) https://www.brafa.art/fr/information
Mises en scène à la Galerie Hurtebize : l’art à domicile
Pour les fêtes de fin d’année, à l’occasion de son exposition spéciale jusqu’au 11 janvier, la Galerie Hurtebize innove en proposant trois vitrines inédites.
À chacun des espaces son ambiance : néons aux couleurs électriques, bistrot parisien, ou prolongement des tableaux par des taches colorées dans une décoration chaleureuse. Ces atmosphères variées sont les écrins des œuvres qu’elles reflètent : le colorisme raffiné des deux bouquets jaunes de Bernard Buffet dans une pièce agencée autour de cette couleur, la suavité des nus de Michel Mousseau réalisés lors de ses années de bohème à Paris, sur le coin d’une table de brasserie dans les années 60, ou le dynamisme des abstractions chatoyantes de Jean-Jacques Marie.
Ces mises en scène qui intègrent des œuvres d’art permettent d’imaginer des intérieurs en donnant des idées de possible disposition des toiles dans une habitation, ou dans un espace dédié, comme par exemple une salle de restaurant ; en un mot, il s’agit pour les particuliers et les entreprises de pouvoir projeter les tableaux dans l’espace de leur choix.
Ce projet innovant de mise en situation dans les vitrines est l’un des éléments d’un dispositif complet proposé par la Galerie Hurtebize à Cannes.
En effet, la problématique d’une galerie d’art réside souvent, pour les collectionneurs, dans le fait de pouvoir imaginer l’œuvre convoitée chez soi, ou au sein de son entreprise. La place sera-t-elle la bonne ? Le format sera-t-il adéquat avec l’emplacement souhaité ?
La Galerie Hurtebize a fait le choix de proposer trois intérieurs inédits afin d’aider particuliers et sociétés désirant se lancer dans une acquisition :
Le premier espace est une salle où le jaune domine, avec un fauteuil « arty » aux projections de peinture, des cercles jaunes sortant des tableaux – deux bouquets de Bernard Buffet – pour glisser sur le mur et jusque sur le sol. Cette idée très originale correspond à tout amoureux de la décoration d’intérieur et du design, mêlant art pictural et goût pour une disposition inhabituelle.
Le second aménagement, à disposition des professionnels, reprend les codes du bistrot parisien, de la nappe à carreaux rouges et blancs aux ballons à vin disposés à côté d’une “bouteille de rouge”, afin de rappeler les années de création de Michel Mousseau à Paris, dans la poésie des nuits populaires passées accoudé aux bars de la capitale.
Une troisième pièce convie des néons, un petit salon aux allures vintage ainsi qu’une étonnante cabine de téléphone anglaise rouge vif pour encadrer les œuvres aux couleurs électriques de Jean-Jacques Marie, artiste contemporain dont les projections de peinture aux mille couleurs tourbillonnent sur la toile.
Avec ce projet de vitrines imaginées comme des pièces de vie, la Galerie permet d’envisager les œuvres sous un autre angle, en proposant un support à la projection de l’acquéreur dans son propre intérieur, ou même en lui donnant des idées de disposition originale. En somme, il s’agit d’inviter l’art directement à domicile.
La Galerie Hurtebize propose deux autres services pour renforcer cette aide aux collectionneurs.
Depuis plusieurs années, elle a fait le pari du digital, et propose depuis l’an dernier une mise en situation virtuelle : vous pouvez envoyer la photographie de la pièce de votre choix, et l’équipe de la Galerie se propose d’y positionner comme vous le souhaitez l’œuvre retenue, en respectant les dimensions et les proportions œuvre-pièce.
De même, la Galerie met régulièrement en ligne sur ses réseaux sociaux et ses lettres d’informations des mises en situation d’œuvres dans des intérieurs, afin de proposer des combinaisons originales entre toiles, espace et mobilier.
Enfin, la Galerie Hurtebize peut s’engager à venir positionner l’œuvre chez le collectionneur, afin que ce dernier puisse se rendre compte non pas virtuellement mais bien réellement de l’effet obtenu par la disposition du tableau dans l’espace envisagé. Cette dernière possibilité n’implique aucunement l’achat imposé, mais permet simplement un choix du potentiel acquéreur.
Marie Cambas
Dernière arrivée dans l’équipe, Marie est diplômée de l’Ecole du Louvre et de la Sorbonne en histoire et en histoire de l’art. Spécialisée en peinture ancienne, elle se tourne ensuite vers l’art Moderne et intègre la galerie en 2018.
Venez visiter l'exposition de fin d'année à la Galerie Hurtebize !
Venez découvrir les oeuvres de nos artistes contemporains, idéales pour des cadeaux originaux et inattendus.
Marie Cambas
Dernière arrivée dans l’équipe, Marie est diplômée de l’Ecole du Louvre et de la Sorbonne en histoire et en histoire de l’art. Spécialisée en peinture ancienne, elle se tourne ensuite vers l’art Moderne et intègre la galerie en 2018.
Bernard Buffet : Deux Natures mortes « transition » des années 60 à découvrir en exclusivité à la Galerie Hurtebize !
Bernard Buffet est un artiste de l’Art Moderne dont le travail est défendu depuis plusieurs décennies par la Galerie Hurtebize à Cannes. Deux nouveaux bouquets signés par le maître font leur entrée cette semaine parmi les pièces exceptionnelles proposées par Dominique Hurtebize et son équipe.
Des bouquets « transition » : du style misérabiliste aux jeux d’épaisseurs colorées
Datés respectivement de 1964 et 1966, ces deux bouquets se détachent sur un fond gris-blanc très travaillé. Disposés négligemment sur un coin de table, où s’étire une simple nappe blanche, ils exhibent leurs pétales chargés de matière picturale ; ces empâtements leur confèrent un relief saisissant, tandis que le reste de l’espace apparaît comme effacé et bi-dimensionnel.
Le travail des épaisseurs se développe tôt chez Bernard Buffet, qui s’est pourtant fait connaître dans le Paris de la fin des années 1940 grâce à une peinture dite « misérabiliste », à la composition simple et remplie de vides, à la fois pauvre en couleurs et pauvre en matière.
Reflet du drame intérieur du jeune homme au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, son trait graphique implacable et son style dépouillé, décharné, ont très rapidement impressionné les milieux érudits et culturels, ainsi que le grand public auprès duquel son succès ne s’est jamais démenti : « Il se dégage de ces peintures une impression de puissance malsaine et inquiétante. Elles feront scandale et feront naître bien des discussions au sujet de ce jeune peintre dont on annonce sans cesse la fin et qui renaît toujours avec une oeuvre nouvelle et déconcertante. »
Ce renouveau indiqué par André Warnod ne se fait pas attendre : dès les années 1950-1955, les tons colorés et les jeux d’épaisseurs prennent forme dans la peinture de Buffet, ce dont témoignent ces deux magnifiques pièces florales.
C’est aussi l’époque où, aidé de son compagnon Pierre Bergé, qu’il délaissera bientôt pour Anabel, Bernard Buffet élabore soigneusement sa signature : silhouette déchiquetée, lettres stylisées, elle devient un élément important de la composition de ses oeuvres, prenant une place de plus en plus prépondérante sur la toile. Ces deux natures mortes signées et datées sur le quart droit de la composition l’illustrent bien.
Bernard Buffet est innovant à une période où c’est l’art abstrait qui déploie ses formes et ses couleurs sur la scène internationale. Son choix est radical ; il se fait le chantre des sujets les plus académiques – natures mortes, nus, paysages, scènes mythologiques et religieuses – tout à fait passés de mode. Quand on lui demande ce qu’il pense de l’art abstrait, l’« enfant triste » de l’art, comme le nomment les médias, répond : « Je suis violemment contre. Cette peinture ne se base que sur des rapports de couleurs ; elle méprise la forme. » La forme, Buffet la rend à ses sujets grâce à un vigoureux trait noir, anguleux, agressif, qui enferme les couleurs comme derrière les barreaux d’une prison de lignes. C’est ce style chargé d’émotions qui a permis à l’artiste de vaincre l’académisme des thèmes choisis, et d’en faire de nouvelles vanités dans le contexte d’après-guerre.
Ainsi, ces deux bouquets soulignent les choix artistiques de Buffet, mais aussi son évolution stylistique : nous y voyons un fond blanchâtre et triste issu de son travail des années 40-50, misérable, vide, sans ombre et bi-dimensionnel. Sur ce mur anonyme tout à fait antinaturaliste se détache une table triangulaire mettant au défi toute idée de perspective, sur laquelle est posé un pichet (tableau de 1966) ou un vase façon Gallé (tableau de 1964). Des tiges rigides striant la composition naissent des ombelles au jaune éclatant, et des fleurs jaunes et bleues aux couleurs profondes. Ces fleurs très en relief sur la toile sont réalisées avec des épaisseurs de peinture d’une incroyable densité. Ce sont les seuls éléments à la fois puissamment colorés et en relief – pour ainsi dire, il s’agit-là du vrai sujet des tableaux. Le vide spatial met en avant ces pétales hautement chargés en matière, issus des nouvelles trouvailles picturales de Bernard Buffet au tournant des années 60.
Voici donc deux explosions florales sur fond d’une grande tristesse monochromatique, témoignages du caractère brillant mais éphémère de la vie, destinées à faner pour rejoindre bientôt la couleur blanc sale des murs.
Dès les années 1950, Bernard Buffet travaille les natures mortes avec ardeur : « Ce que je fais en ce moment est un peu différent – tu verras toi-même ces chefs d’oeuvres incontournables au mois de février – ce sont de grandes natures mortes très colorées et suaves de ton » écrit-il à Pierre Descargues en décembre 1950.
Dans les années 1960, il élabore une nouvelle manière de les traiter, en y insérant des couleurs vives et des épaisseurs pour mieux en rendre le caractère agressif, éphémère, grotesque. Il poursuivra ce travail de coloriste tout au long de sa vie, et dans les dernières années ce sont des tons fluos qui caractériseront-même ses compositions, des couleurs criardes capables de dénoncer plus fortement encore la finitude et le caractère burlesque de l’homme à travers le symbolisme de la vanité.
Gros Plan : L’antinaturalisme comme impossibilité de pénétrer le réel ?
Le symbolisme des sujets traités par Bernard Buffet nous apparaît aujourd’hui comme acéré et implacable. Ses traits noirs tout comme ses couleurs violentes crient à nos yeux la misère de l’homme, dans un style qui ne cherche en aucune manière l’illusionnisme. Qu’en pense Dominique Gagneux – historienne de l’art ayant participé à la rétrospective sur Bernard Buffet en 2017, Musée d’art Moderne de la Ville de Paris ?
« Les objets présents dans la peinture de Buffet sont reconnaissables et renvoient à une réalité datable : les paniers à bouteilles, les dessous de plats, les nappes ou les moulins à café sont des ustensiles familiers que les critiques de l’époque se plaisent à inventorier. Mais une fois passée cette première lecture, différents éléments structurants se révèlent : dans les portraits et autoportraits, les figures sont enserrées dans un cadre de lignes qui divisent exactement l’espace ; dans les natures mortes, les tables ou les nappes à carreaux sans plis ni volume nient la perspective classique et rabattent les objets sur le plan du tableau. Ces perpendiculaires, qui sont à l’origine les coutures assemblant les morceaux de tissu lui servant de toile, sont devenues des lignes peintes. (…)
Cet antinaturalisme, dès 1947, démontre que la peinture de Buffet semble n’avoir d’autre but qu’elle-même, d’où la difficulté de cerner une oeuvre qui a pu, à ses débuts au moins, être classée comme misérabiliste et expressionniste, ou rapprochée de l’existentialisme sartrien. Ses objets, certes, ressemblent par bien des aspects à ceux de Francis Ponge, par leur humilité, leur neutralité et leur appartenance à un monde clos. (…) La peinture de Bernard Buffet établirait donc davantage de rapports avec le Nouveau Roman, sa virtuosité d’écriture, son atmosphère froide et angoissante. Les descriptions objectives et minutieuses d’Alain Robbe-Grillet qui traduisent l’étrangeté d’un monde ne permettent pas plus de pénétrer les objets que les oeuvres de Buffet. »
Ainsi, Bernard Buffet fait le choix de l’anti-héros anonyme, aux traits non reconnaissables, tout comme le mouvement littéraire du Nouveau Roman célèbre l’avénement du sujet sans identité précise, cet « il » ou « elle » sans nom, sans visage. Ce triste héros, perdu dans le vide des compositions, ou dans la violence des couleurs, c’est le clown triste qui tient un bouquet aux tons excessifs, c’est Bernard Buffet, jeune homme consumé par les atrocités de la guerre, c’est le spectateur, qui, comme les beaux bouquets de la Galerie Hurtebize, ne pourra échapper à son propre cycle.
Venez découvrir ou redécouvrir l’art expressif et essentiel de Bernard Buffet à travers plusieurs oeuvres proposées dans le parcours d’exposition de la Galerie Hurtebize à Cannes.
Marie Cambas
Dernière arrivée dans l’équipe, Marie est diplômée de l’Ecole du Louvre et de la Sorbonne en histoire et en histoire de l’art. Spécialisée en peinture ancienne, elle se tourne ensuite vers l’art Moderne et intègre la galerie en 2018.
[1]André Warnod, Le Figaro, 8 février 1954, p. 22.
[2]Bernard Buffet, Revue Arts n° 658, 19 février 1958.
[3] Bernard Buffet à Pierre Descargues, le 5 décembre 1950, in Rétrospective Bernard Buffet, Catalogue, Musée d’art Moderne de la Ville de Paris, 2017, p.21.
[4]Dominique Gagneux, « Bernard Buffet, l’oxymore ou les paradoxes d’un peintre », in Rétrospective Bernard Buffet, Catalogue, Musée d’art Moderne de la Ville de Paris, 2017 , p. 86-87.
Une nouvelle oeuvre de Georges Mathieu à la Galerie Hurtebize !
Malgré le confinement et la conjoncture actuelle, la Galerie Hurtebize poursuit son activité d’achat-vente d’oeuvres d’art. Spécialisée dans l’art d’après-guerre et notamment dans le courant dit de l’Abstraction Lyrique, elle vient d’acquérir une oeuvre d’un des artistes phares du courant : Georges Mathieu, considéré avec Hans Hartung, Gérard Schneider et Pierre Soulages comme l’un des pères de cette école novatrice dans la France d’après 45.
Obsessions vides : une oeuvre typique du travail à l’alkyde
Obsessions Vides est une oeuvre sur toile, réalisée entre 1988 et 1989.
Typique de la seconde phase du travail de Georges Mathieu, qui avait été remise à l’honneur par la Galerie Templon en 2012, elle met en scène sur un fond sombre une coulée de peinture que viennent éclabousser de remarquables et brillantes projections d’alkyde, une peinture utilisée par Georges Mathieu dès les années 1980, remplaçant l’huile et l’acrylique précédemment employées par le maître.
Cette nouvelle pâte est une peinture à l’eau utilisant une résine (dite « alkyde » justement), qui confère une grande stabilité à la matière une fois sèche. Elle ne craint plus l’humidité, car elle combine les caractéristiques de la peinture acrylique et de la peinture glycéro, la rendant à ce titre extrêmement solide.
L’apparition de cette nouvelle matière résineuse éclatante dans les années 1980 a poussé Georges Mathieu à utiliser son pinceau autrement, ou plutôt ses tubes, car Mathieu est aussi le père de ce que la critique a nommé le « tubisme », le fait de peindre directement avec les tubes de peinture sur le support.
1985 : le choix d’une gestuelle plus visuelle
Le tournant dans l’oeuvre de Mathieu se situe en 1985 : à partir de cette date, il délaisse son langage calligraphique, qui était l’élément central et centré de ses compositions à l’huile, pour laisser jaillir une pluie de projections de couleurs vives et de coulures qui occupent l’espace du tableau de manière plus ou moins aléatoire.
Cette nouvelle manière de peindre est développée par un Mathieu performer s’étant laissé séduire par l’Action Painting d’outre-atlantique, technique rendue célèbre par Jackson Pollock.
Ainsi, la peinture a pris chez Mathieu une dimension spectaculaire, au sens littéral du terme : l’acte de peindre lui-même devient une performance théâtrale à laquelle le public et la télévision sont conviés.
Il avait déjà initié cet aspect visuel et participatif de son travail lors de la création de l’oeuvre Les Capétiens Partout ! ( aujourd’hui conservée au Centre Pompidou, Paris) réalisée en 1954 devant le Château de Larcade à Saint-Germain-en-Laye. Déjà tachiste, déjà homme de spectacle, Georges Mathieu avancera toute sa carrière dans une recherche de la quintessence du geste pictural : ses mouvements s’exacerbent, et se font plus vifs, plus abstraits, plus belliqueux même dans cette phase que beaucoup ont dite « cosmique ».
Une éternelle quête de sens
Que vient faire-là le cosmos ?
Les taches vives qui animent les fonds sombres des oeuvres de cette période tardive sont comme des boules de feu et des planètes gravitant dans une atmosphère obscure. Georges Mathieu ne nomme plus ses toiles du nom de personnages historiques ou de batailles fameuses du passé, mais il fait appel à des concepts philosophiques inquiets, « obsessions vides », « calvaire vain », « aveux obscurs ». Ces titres donnés dès 1985 marquent une nouvelle réflexion, à la fois apocalyptique et eschatologique, qui se tourne vers la philosophie existentialiste de Sartre, qui règne alors en maître au café de Flore.
Georges Mathieu a commencé par étudier la philosophie à l’Université avant de prendre les pinceaux, et c’est donc en élève-philosophe et esprit érudit qu’il travaille ; l’expressivité de sa peinture reflète les questions existentielles de l’Homme sur sa place dans le Monde et sa capacité à se faire démiurge de sa propre vie.
Depuis plus d’un an, les oeuvres de Georges Mathieu connaissent un regain d’intérêt auprès des collectionneurs et de la critique. De Hong-Kong à New-York, en passant bien-sûr par Paris, les réalisations abstraites du peintre s’envolent à des prix qui ne cessent de croître.
La Galerie Hurtebize défend depuis de nombreuses années le travail de ce virtuose de la peinture, et est fière de proposer dans son parcours d’exposition une nouvelle toile signée Mathieu.
Marie Cambas
Dernière arrivée dans l’équipe, Marie est diplômée de l’Ecole du Louvre et de la Sorbonne en histoire et en histoire de l’art. Spécialisée en peinture ancienne, elle se tourne ensuite vers l’art Moderne et intègre la galerie en 2018.